Alea jacta est

Alors qu’ils s’avancent dans l’obscurité, ils entendent soudain des pas sourds descendre vers eux, précédés de torches et semblant porter un grand palanquin. D’horribles chants retentissent, alors que leur parvient derrière eux une immense clameur. Pris de panique, Okomou tourne les talons, aussitôt suivi par Sommers. Les deux autres hésitent quelques secondes avant de faire demi-tour et de courir se cacher derrière les cages de prisonniers. Okomou a fui dans le conduit d’entrée tandis que Steeve se cache au milieu d’une pile de cadavres de l’autre côté.

Une vingtaine de colosses noirs de 2 mètres de haut pénètrent alors dans la pièce, certains armés de sagaies, une douzaine portant un palanquin sur lequel se dresse une Africaine hurlant d’une voix stridente d’horribles incantations dans une langue inconnue. Planqué près d’une cage, O’Donnell réalise que l’effet du breuvage de Bundari est déjà terminé, car l’un des prisonniers l’interpelle en anglais d’une voix geignante, implorant son aide.

A ses côtés, Arthus aperçoit le groupe de colosses marcher droit en direction de la planque de Sommers et, alors que l’un des colosses brandit sa lance dans la direction de celui-ci en lui ordonant de sortir, l’ayant donc visiblement vu, le Frenchy hésite.

Puis, se saisissant des trois bâtons de dynamite qu'il avait préparé dans sa course, il allume les mèches et lance le tout en direction du palanquin  !  

Jamais Arthus n'aura eu autant de précision et les explosifs forment une parabole parfaite, digne de Joey Sternaman, le quaterback des Bears. C'est les yeux effarés que l'africaine regarde la mèche se consumer pendant la demi seconde qui lui reste à vivre et n'a que le temps de hurler un mot dans son langage abominable avant que l'explosion ne la disperse dans toute cette partie de la caverne. Le souffle de l'explosion et les débris du palanquin tuent et blessent mortellement les colosses qui entouraient leur maitresse et vont blesser également Sommers qui est pourtant en grande partie protégé par celui qui lui intimait l'ordre de sortir de la caverne. Arthus et O'Donnel auront la chance d'être derrière les cages et ce sont les prisonniers qui feront écran de leurs corps et empêcheront les débris de les réduire en morceaux. A peine l'effet du souffle terminé que déjà les tremblements se font sentir dans la caverne qui commence à s'ébouler séparant ainsi le boyau d'accès à la caverne. 

Sommers se précipite entre les gravats vers la sortie du tunnel où il peut voir en contrebas les milliers de disciples, hommes et femmes, nus comme des vers qui psalmodient leurs prières impies en direction du sommet de la montagne. 

O'donnel et Arthus trouvent le salut en se réfugiant dans le boyau d'où était sorti le palanquin quelques minutes plus tôt et s'y enfoncent pour fuir les gravats et nuages que le souffle de l'effondrement y charrie. C'est donc couverts de sang et de poussière que nos deux compères gravissent péniblement le tunnel accidenté serpentant vers le sommet de la montagne. Les murs sont recouverts de fresques abjectes dont la filiation égyptienne est aisément reconnaissable, même pour un homme bourru comme O'Donnel qui ne peut s'empêcher de rappeller que c'est à nouveau dans la montagne que se passent les choses. 

 Ils pénètrent finalement dans une caverne qui leur est révélée à la lueur des braseros. qui luisent doucement, la roche du sol luit doucement d’un vert bilieux si sombre qu’il en paraît presque noir, la roche est poisseuse comme si du sang s'en échappait. 

Six colonnes aux formes étranges jaillissent du sol pour aller se perdre vers la voûte à plus d’une douzaine de mètres du sol. Elles semblent bouger et se tordre doucement, entraînant dans leur reptations les fers  qui y sont enchâssés, attendant que des victimes attachées soient démembrées dans le processus. La caverne n'est qu'un immense cancer qui grandit au sein de la montagne, prêt à se rependre sur le monde, son épicentre étant un gigantesque autel de pierre qui semble être la depuis des éons, attendant que l'on le nourrisse pour enfin avancer son inhumanité comme un lierre se répand à travers les murs d'une maison qu'il fagocite. les longues traînées brunâtres ne laissent que peu de doute sur son utilisation meurtrière. Plus loin, ils distinguent une plateforme sur laquelle une forme massive semble bouger faiblement éclairée  par d’autres braseros. s'en approchant prudemment Arthus remarque les puits près des colonnes d'où viennent des bruits sinistres qu'il pense provenir de la présence massive d'insectes, de serpents et de rats. 

Laissant ces puits de côté ils gravissent quelques marches donnant accès à une estrade de pierre sur laquelle se tient une forme digne des pires cauchemars. Un visage reconnaissable qui malgré la sueur et les traits marqués conserve les signes de ce qui dut être une belle femme aux cheveux blonds. De ces cheveux ils ne reste que de rares touffes éparses qui s'étalent vers un corps  
dont l'abdomen boursouflé atteint des proportions si gigantesques que les membres ne sont que des moignons tordus dépassant comme d'un ballon de baudruche La peau n'est plus qu’une fine membrane laissant entrevoir un être se tortillant en son sein, une chose qui ronge et grandit dans la matrice Hypathia Masters qui les supplie du regard qu'on mette fin à ces supplices. 

Les yeux de Arthus et d' O'Donnel sont attirés vers l'abdomen où subitement des yeux se sont ouverts ainsi qu'une bouche infecte sous les cris de douleurs de la jeune américaine. 
Comme répondant à cette impulsion un autre hurlement inhumain se fait entendre provenant  de derrière eux, une créature semblable à celle sculptée dans la caverne qu'ils ont fait exploser est en train de progresser vivement vers eux comme pour répondre à l'appel du rejeton encore non né. Arthus et Marvin partent chacun de part et d'autre de l'autel leurs armes à la main, qui une Thompson, qui son colt et s'apprêtent à un âpre combat. 

La créature impose par sa présence une sensation d'une très grande puissance et tout en contournant un rocher Arthus se souvient de la peinture que leur avait exhibé Sommers dans cet hôtel londonien quelques semaines auparavant, haut de plusieurs mètres et mû par trois longues pattes tortueuses, cette chose ne possède pas de tête mais à la place un immense appendice rouge sang qui d'un claquement sec se tend en direction de O'Donnel et le ceinture comme un boa qui s'apprête à broyer son repas. La langue possède un semblant de bouche d'où surgit un rayon vert qui ronge le visage du policier avant qu'il ne perde la raison définitivement. La créature se débarrasse de la dépouille broyée de l'irlandais en l'envoyant dans un des puits où des millions de fourmis géantes en feront leur repas et de met en branle en direction du français qui comprend à ce moment que la créature n'est autre que la divinité qu'ils traquent depuis des mois, avec laquelle Sommers avait échangé quelques amabilités en Égypte.   

Comprenant également l'inégalité du combat, Arthus sort son épée de sa canne et se rue au devant des rayons verts qui déjà sortent des mains et de la bouche de la Lune Sanglante  séparant au contact du corps du frenchy les bras, le torse et la tête qui part rouler juste au dessous du visage tuméfié d'Hypathia Masters. 

Le corps couvert du sang du colosse noir et aussi du siens, Sommers essaye de quitter ce lieu infect quand une ombre gigantesque recouvre soudainement les affleurements rocheux juste avant qu'un cri déchire la nuit bientôt suivit de celui des milliers de pèlerins. Quand Sommers prend conscience qu'il se trouve dans la peinture de l'artiste fou anglais la main de l'immense créature attrape déjà les cultistes par poignées entières pour les porter à son immense bouche .. 




Devant l'abominable spectacle, Sommers sent sa raison vaciller. L'horrible et terrifiante créature, la Langue Sanglante, peinte par Miles Shipley était la, devant lui, bien vivante, se repaissant ignoblement de ses adorateur hurlant de joie et de  souffrance ! Serrant de toutes ses forces la poignée hérissée de pointes de son sabre a s'en faire blanchir les phalanges, comme s'il voulait y puiser un inutile réconfort, adressant une prière silencieuse au Dieu des
Ulémas, il se recroqueville en tremblant entre deux rochers.

Après quelques instants, dans un état second et comme dans un mauvais rêve, Steeve réussit finalement à se faufiler entre les sectateurs jusqu'aux pieds de la Montagne, complètement ignoré par ces derniers. Certains s'offraient au dieu alors que d'autres moins téméraires s'éloignaient rapidement après avoir ramassé leurs vêtements.
C'est un Sommers hagard, livide et sanguinolent, le sang s'écoulant de multiples blessures dues aux débris de l'explosion souterraine mais aussi de sa main, laquelle serrait toujours fiévreusement la poignée du Sabre d'Akhmallah, qu'Okomou qui l'avait perdu de vue dans l'action, récupère quelques heures plus tard.