Le Palanquin des larmes ! 

Dimanche 29 mars - Dimanche 5 avril 1925:


Sommers, à peine conscient, croit voir dans l’un de ses rares moments de lucidité, Arthus incanter une nouvelle fois son sortilège pour regénérer les queues de rat. Les aventuriers sont mal en point et se font passer un savon par le médecin de l’établissement dépité par leurs sorties nocturnes.

Compte tenu de leur état physique, à l’exception du Dr Singer resté à l’hôtél à surveiller leurs affaires, les trois autres décident enfin de suivre les conseils du médecin et de se reposer à l’hôpital.

Le Frenchy et O’Donnell passent la semaine à lire leurs ouvrages respectifs, « Les Fragments de G'harne » et les fragments du « Livre d’Ivon » … sans comprendre quoi que ce soit ! Le Dr Singer vient leur rendre visite quotidiennement, et ils ont même la visite de la journaliste Nathalie Smith-Forbes qui leur apprend le double meurtre des frères Singh, car le dénommé Tandor avait en fait un jumeau.

Au bout d’une semaine, les soins conjoints du médecin et du sortilège d’Arthus commencent à faire effet, seul l’état de Sommers reste préoccupant. Marvin en profite même pour se taper l’infirmière.

Lundi 6 avril - Dimanche 12 avril 1925:

 

La semaine suivante, en plus de poursuivre la lecture de leurs ouvrages, Arthus et le privé se rendent dans la boutique Dalton & Son qu’on leur avait indiqué pour effectuer quelques emplettes en vue de leur expédition prochaine :

deux caisses avec ving bâtons de dynamite, pour US$ 12.00. Ils font aussi quelques progrès dans leurs lectures, Arthus apprend même le sortilège de la Barrière de Naach’Tith. Marvin et son compère leur dégottent aussi deux camions italiens, ainsi que 3 boîtes de 20 cartouches, 1 boîte de munitions calibre 38 et 4 de calibre 45. Le Frenchy laisse O’Donnell marchander, la négociation est âpre, ils obtiennent le tout pour US 320.00.

 

A leur retour, Marvin plus à l’aise avec un fusil à pompe confie sa Thomson à Sommers. Tandis que Sommers reprend quelques couleurs, ainsi que ses prières quotidiennes et son don de sang à son cimeterre, Arthus quitte l’hôpital après avoir réglé sa note (£ 1.5 par jour et par personne) et retrouve le Dr Singer à l’hôtel. Marvin décide de rester quant à lui une semaine de plus à l’hôpital avec Sommers.

Le Dr Singer, de son côté, a accepté de travailler pour Hendicot, un chasseur, et de l’accompagner dans ses safaris journaliers. Il prévient ses compagnons qu’il a décidé de ne pas les accompagner jusqu’à la montagne.

 

Un soir, O’Donnell et Arthus se rendent au bar du Nairobi King Cross, à la recherche du dénommé Nails Nelson mentionné dans les notes d’Elias. On leur indique rapidement le mercenaire au fond de la salle. Vautré sur une table, l’individu, crasseux et aux fringues pitoyables, est plongé dans un whiskey. Il leur confirme avoir bien rencontré un scribouillard new-yorkais l’ayant interrogé sur un type nommé Brady, qu’il avait effectivement rencontré à Hong-Kong, au Lys Jaune sur Wan Ching Street, lors d’une altercation. Nelson était en prison lors du massacre de l’expédition Carlyle. Suite à leurs questions, il leur apprend aussi la mort du Lieutenant Selkirk, le dernier nom évoqué par Elias dans ses notes, lors d’un tragique incendie l’an dernier. En fin de semaine, O’Donnell a retrouvé son état physique mais Steeve, malkgré l’amélioration de son état, ayant encore besoin de quelques soins, ils décident de rester une semaine de plus à Nairobi.

 

Lundi 13 avril - Dimanche 19 avril 1925:

 

Les aventuriers passent la plupart de leur temps plongés dans leurs ouvrages. Ils en profitent aussi pour quémander un chauffeur à Johnstone Kenyatta, à qui Arthus fait un bref résumé de leur rencontre avec le vieux Bundari. Il lui avoue partir enquêter sur les forces occultes qui se cachent au fond de son pays « On va aller casser tous ceux sous la montagne et les déterrer comme des cafards » commentent Marvin à voix basse, le regard brillant et fiévreux. Ils apprennent aussi, curieusement, que beaucoup de petites expéditions, plus que d’habitude, se sont montées pendant leur séjour forcé ici.

Un porteur nandi
Un porteur nandi

Lundi 20 avril 1925:


Après avoir fait leurs bagages et chargés leurs malles dans les camions, ils passent une dernière fois chez Dalton & Son acheter des vivres (l’équivalent de 4 personnes pendant 1 mois), des bidons d’eau et une caisse de whiskey, ainsi que 5 cordes avec grappin. Au grand dam de Marvin, Suresh, le chauffeur recommandé par Kenyatta, a 8 filles et 4 garçons. Ils lui confient cependant le volant du second camion où ils chargent la dynamite, et tous trois prennent place dans le premier camion. Sommers s’installe à l’arrière. Après quelques heures de conduite sur piste, ils rejoignent le village de Boyovu et se garent devant la bicoque du vieux Bundari. Ils sont rejoints par le jeune Okomou qui les informe alors que c’est lui qui va les accompagner et après avoir rapidement préparé son baluchon, il monte dans leur camion, un couteau passé à la ceinture, et leur donne la direction d’un village au Nord où ils pourront trouver des porteurs.


Pour être discrets, ils devront malheureusement quitter la route au bout de deux jours et poursuivre leur périple à pieds par un chemin semé de ponts suspendus. La savane devient plus touffue, cédant progressivement la place à une jungle luxuriante. Ils peuvent même apercevoir au loin quelques troupeaux de zèbres, de giraffes et d’éléphants, ainsi que quelques tribus de nègres. Après sept heures de route, la nuit tombe brusquement. Ils décident alors de faire halte, décidant de rester dormir à bord des camions et d’instaurer des tours de garde, après avoir allumé un feu de camp. Des yeux menaçants brûlent dans l’obscurité, les observant à la dérobée à quelques encablures, mais quelques verres de whiskey aidant et malgré le tapage nocturne, ils ne tardent pas à sombrer dans une nuit réparatrice, à l’exception de leur chauffeur Suresh qui, bien que rejoint par Okomou, met plusieurs heures à trouver le sommeil.

La nuit se passe paisiblement et aucune attaque nocturne n’a lieu.



Mardi 21 avril 1925:


Reprenant la route, de plus en plus verdoyante, ils aperrçoivent au loin le Mont Kenya et Okomou leur apprend bientôt qu’ils quittent le territoire kikuyu et pénètrent dans les contrées nandi, peuple plus sauvage et guerrier. A la nuit tombée, ils parviennent à un village et Okomou leur conseille de rester dans les camions, tandis qu’un attroupement se crée bientôt autour d’eux. O’Donnell fronces les narines. Ils sentent fort. Après une dizaine de minutes, Okomou revient. Avoir des porteurs n’est pas un problème leur apprend-il, mais ces derniers ne les accompagneront que jusqu’à une certaine limite, refusant de pénétrer dans les territoires maudits. C’est donc seuls qu’ils devront faire la fin du trajet.

Ils laissent Okomou s’occuper des tractations et pour £ 100.00, ils recrutent douze porteurs à qui ils confieront leurs malles d’équipement, les cordes, les rations de vivre et d’eau, les caisses de dynamite, le whiskey et la Browning de Sommers. Ces derniers les accompagneront pendant 5 jours et les attendront 5 autres jours.

Mercredi 22 avril 1925:

 

Ils commencent l’ascension du Mont Kenya et arrivent bientôt au premier obstacle, un pont de cordes d’une dizaine de mètres enjambant une rivière en contrebas. Après s’être attachés, Arthus passe en premier, sans souci, suivi par O’Donnell.

Mais en traversant, celui-ci un faux pas et, après quelques tentatives ridicules pour se rattraper, il bascule dans le vide, entraînant le Frenchy dans sa chute. In extremis, il est retenu par Sommers derrière lui. Après cette première alerte, ils reprennent leur chemin, les ponts s’enchainent les uns après les autres, mais aucun autre incident n’est à déplorer.

Le soir finit par arriver et ils installent un bivouac. Ils instaurent leur habituel tour de garde. Tandis que Marvin et Arthus se couchent après un whiskey réconfortant, Sommers fait sa prière du soir pendant que leurs porteurs entamment des danses et chants africains. Mais le Frenchy s’endort rapidement, cédant à la fatigue, et ce n’est que le lendemain matin que Sommers et O’Donnell sont réveillés par Okomou. Tant pis pour les tours de garde !

Jeudi 23 avril 1925:


Après avoir quitté leur campement nocturne, une nouvelle épreuve les attend bientôt : un pont de corde d’une quarantaine de mètres de long, surplombant vingt mètres de vide. La traversée se passe sans problème et ils enchainent ainsi plusieurs autres passages de pont. La journée se passe comme la précédente, les seuls animaux dangereux qu’ils aperçoivent sont des serpents, à de nombreuses reprises et en grand nombre. Des mambas verts. « Une morsure, et c’est la mort assurée » leur apprend leur compagnon africain qui les met aussi en garde contre les araignées et une autre espèce de reptile, les cobras. O’Donnell regrette amèrement sa jungle urbaine à lui.


Nouveaux tours de garde : Marvin, puis Sommers, puis Arthus, et cette fois, aucun d’entre eux ne s’endort inopinément.


Vendredi 24 avril 1925:


Une inquiétante brume recouvre les environs de ses tentacules éthérés quand ils reprennent la route. Au bout d’un moment, Arthus montre à ses deux compagnons, à une trentaine de mètres devant eux, une créature énorme à la fourrure noire, immobile devant eux. Un gorille. Alors qu’ils traversent un autre pont, long de 56 mètres, c’est cette fois Sommers qui manque de basculer dans le vide, mais il est rattrapé par Marvin. C’est sans encombre qu’ils passent les autres obstacles et ils finissent par établir leur campement nocturne, profitant pour la dernière fois des danses et chants de leurs porteurs, lesquels les abandonneront demain. Lors de son tour de garde, Arthus aperçoit au loin, très très loin, trois feux de camp, à une ou deux journées de marche.

Okomou trouve cela surprenant et leurs porteurs nandis lui confirment qu’ils ont noté une recrudescence du nombre de pélerins ces derniers jours.

Samedi 25 avril 1925:

 

La jungle cède la place à de la rocaille et au loin, au détour du Mont Kenya, dans les brumes matinales, les aventuriers peuvent apercevoir, en retenant un frisson, un pic rocailleux noir comme l’ébène. Après quelques heures de marche et un dernier pont traversé, leurs porteurs, l’air effrayé, les informent qu’ils n’iront pas plus loin. Ne prenant avec eux qu’une bouteille de whiskey, les batons de dynamite et les cordes en plus de leur matériel personnel, laissant le reste aux porteurs, Arthus, Marvin, Steeve et Okomou poursuivent leur périple. Sommers leur montre ça et là, à distance, de nombreux groupes d’individus, locaux comme Blancs, semblant se diriger dans la même direction qu’eux.

Avec leurs jumelles, ils remarquent qu’aucun groupe n’est aussi armé qu’eux. Sommers démonte son fusil Enfield et enveloppe son sabre de tissu pour se faire plus discrets … quand ils entendent du bruit, des mouvements, derrière eux. Ils voient alors surgir un groupe de 3 personnes, trois blancs, armés de fusils de chasse, qui les saluent en poursuivant leur chemin. Arthus croit en reconnaître deux, croisés au bar de Nairobi quelques jours plus tôt. Le trio décide de les suivre et leur emboite le pas. Après trois heures, l’autre groupe s’arrête pour bivouaquer pour la nuit et ils décident de faire de même et de se joindre à eux, pour en apprendre plus.

Manque de pot, il s’agit de trois Allemands. La conversation risque d’être dure. Et tout autour d’eux, ils repèrent une soixantaine de feux de camp, dans la vallée ou sur les flancs de la montagne. A l’initiative du Frenchy, ils essaient de saoûler leurs hôtes au whiskey, qui trinquent à « Das Kind » et, alors qu’ils hésitent sur la marche à suivre et s’ils doivent tuer ces trois boches, ces derniers se préparent à dormir. Eclairé par la lune, le trio prend congé et s’approche vers un autre groupe. En s’approchant, il repère un groupe de six Blancs : 4 hommes et 2 femmes, très calmes, parlant en anglais. Quelques bribes de conversation leur parvient : » Il faut dormir. Demain est un grand jour ! » Compte tenu de la clarté lunaire, la Fringe Division choisit d’en profiter pour continuer de nuit leur avancée, sans risque de se fouler la cheville. Ils évitent ainsi de nombreux autres bivouacs : Quelques groupes de Blancs et d’Indiens, mais surtout des Africains.

Une horrible statue surplombe le trone
Une horrible statue surplombe le trone

Dimanche 26 avril 1925:

 

Ils empruntent un petit sentier de montagne, longeant de vertigineux a-pics surplombant la vallée, et alors que le jour commence à se lever, ils décident de continuer leur escalade, apercevant en contrebas bien 20 000 ou 30 000 personnes !

Arthus hésite. Ca fait beaucoup. Mais Marvin insiste : « Cette fois-ci, les Etats-Unis ne partiront pas ! Pas question de fuir encore une fois. On les nique. Avec nos armes, on peut en abattre quoi, 70, ça en laisse que 29 930 ! » Le sol qu’ils foulent est fait d’une roche noire, et à l’exception de quelques grosses araigtnées velues et longs scolopendres, la faune et la flore semblent avoir disparu. Derrière eux, la plupart des pélerins se sont regroupés sur une esplanade rocheuse surplombant la vallée et les innombrables feux de camp.

 

Ils atteignent bientôt l’entrée d’un conduit, bercé par le sifflement lugubre du vent. Au loin, dans l’obscurité, ils distinguent quelques rayonnements lumineux et perçoivent comme des gémissements. C’est le moment de boire l’horrible breuvage du vieux Bundari propose Marvin. Après une dernière rasade de whiskey et avoir versé la moitié du breuvage dans la bouteille vide, O’Donnell fait ses adieux à ses comparses et le trio pénètre dans le conduit vers les entrailles de la montagne. Au bout du conduit, une grande salle. Au fond, une statue malsaine représentant l’immonde chose représentée sur la peinture de Miles Shipley domine un trône de pierre noire. Une odeur nauséabonde de charnier imprègne l’endroit, des tas de cadavres en putréfaction à demi dévorés jonchent le sol, une cinquantaine de prisonniers gémissants s’entassent dans des cages, et ils réalisent alors qu’ils ont sûrement mis le pied dans la gueule du loup.

Derrière la statue et le trône, des symboles géométriques gravés couvrent les murs, Marvin détecte rapidement la présence d’un passage secret et Arthus repère parmi les symboles une suite permettant son ouverture. Avant d’aller plus loin, ils décident de dissimuler 4 bâtons de dynamite sous le trône et y découvre une petite boîte contenant une horloge de navigation, indiquant 11h20. Curieux, ils auraient juré avoir marché beaucoup plus longtemps que ça et être aux alentours de 15h00. Arthus remonte la pendule de 17 minutes, pendant que Sommers dissimule la dynamite dans la cache, derrière la boîte, après avoir enduit les bâtons de cirage noir.

Dans le palanquin se tient M'Weru
Dans le palanquin se tient M'Weru

Armes en main, ils franchissent alors le passage secret, alors qu’une clameur semble retentir à l’extérieur. Le boyau, permettant à 2 personnes de se tenir côte à côté, remonte vers d’obscures hauteurs et s’élargit jusqu’à faire six mètres de large environ. Alors qu’ils s’avancent dans l’obscurité, ils entendent soudain des pas sourds descendre vers eux, précédés de torches et semblant porter un grand palanquin. D’horribles chants retentissent, alors que leur parvient derrière eux une immense clameur. Pris de panique, Okomou tourne les talons, aussitôt suivi par Sommers. Les deux autres hésitent quelques secondes avant de faire demi-tour et de courir se cacher derrière les cages de prisonniers. Okomou a fui dans le conduit d’entrée tandis que Steeve se cache au milieu d’une pile de cadavres de l’autre côté.

Une vingtaine de colosses noirs de 2 mètres de haut pénètrent alors dans la pièce, certains armés de sagaies, une douzaine portant un palanquin sur lequel se dresse une Africaine hurlant d’une voix stridente d’horribles incantations dans une langue inconnue. Planqué près d’une cage, O’Donnell réalise que l’effet du breuvage de Bundari est déjà terminé, car l’un des prisonniers l’interpelle en anglais d’une voix geignante, implorant son aide.

A ses côtés, Arthus aperçoit le groupe de colosses marcher droit en direction de la planque de Sommers et, alors que l’un des colosses brandit sa lance dans la direction de celui-ci en lui ordonant de sortir, l’ayant donc visiblement vu, le Frenchy hésite.

Puis, se saisissant des trois bâtons de dynamite qu'il avait préparé dans sa course, il allume les mèches et lance le tout en direction du palanquin  !  ...